Le langage – élément clé de l’identité culturelle – joue un rôle crucial dans la formation des normes. Pour étudier les mécanismes qui sous-tendent certains comportements sociaux (comme par exemple, la propension à l’homophobie) il est intéressant d’avoir accès aux représentations mentales des individus. Pour ce faire l’analyse du discours des sujets est une approche privilégiée dans la mesure où les productions verbales portent en leur sein les marques des mécanismes qui les ont engendrées. En d’autres termes on peut considérer que, d’une certaine façon, la cognition est en représentation à travers le langage. Les mots et les phrases utilisés pour décrire des concepts des situations spécifiques peuvent influencer ou expliquer la manière dont les individus se comportent dans la société et/ou dont ils perçoivent les comportements d’autrui. Les changements linguistiques peuvent également refléter les changements culturels plus larges, tels que l’évolution des attitudes et des valeurs sociales. L’évolution culturelle est ainsi étroitement liée à l’évolution linguistique. Les langues changent au fil du temps en raison des interactions entre les différents groupes culturels, des migrations et des échanges. De même, la manière dont une culture se développe et se transforme peut conduire à des changements linguistiques. Dans ce contexte, les travaux conduits en anthropologie humaine ont par exemple permis de démontrer que la structure sonore des prénoms attribués aux jeunes enfants de sexe féminin vs masculin ont évolué au cours du temps en confirmant l’hypothèse de masculinisation des femmes dans les sociétés post industrielles. Cette hypothèse a également été confirmée au plan vocal dans le cadre d’une analyse longitudinale. Enfin, au plan des représentations mentales, l’analyse du discours de sujets d’origines culturelles différentes a permis d’avancer une hypothèse sociale de l’homophobie. D’autres aspects linguistiques – comme la disparition récente du genre grammatical binaire fondé sur la distinction de genre féminin/masculin dans certaines langues – peuvent être expliqués par l’évolution culturelle des sociétés, en lien avec la modification des rapports sociaux attribués aux hommes et aux femmes.
Références
Ben Hamed, M., Barkat-Defradas, M., Hamdi-Sultan, R., (2015) The evolution of Arabic(s) Making the Idiom speaks for the Deme, International Journal of Modern Anthropology 8, 94 – 116.
Suire, A., Bossoms Mesa A., Raymond, M., & Barkat-Defradas, M. (2019) Sex biased sound symbolism in French first names, Evolutionary Human Sciences 1, e7, p. 1-17.
Fronhofer, N. M., Herbert, C., Durand, V., Alvergne, A., Raymond, M., Barkat-Defradas, M., (2022) Fear and cultural background drive sexual orientation prejudice in France, The Open Psychology Journal, 10.31234/osf.io/w2u4z https://psyarxiv.com/w2u4z/
De façon surprenante, l'étude de l'activité langagière a longtemps été menée en dehors de tout quest...More